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La scandaleuse Alice Miller

Dernier livre, dernière coup de cœur, à remettre entre les mains de tous ceux qui souhaitent un avenir meilleur à notre humanité : Notre corps ne ment jamais, d'Alice Miller.


Psychanalyste de notre temps (1923-2010), Alice Miller a consacré sa carrière à l'enfance maltraitée. Elle dénonce entre autres, certaines pratiques éducationnelles nuisibles au développement sain et harmonieux de l'enfant, pratiques pour autant considérées comme normales par bon nombre d'entre nous et transmises par habitude de mère en fille, de père en fils. Elle appelle cela la pédagogie noire, « une éducation qui vise à briser la volonté de l'enfant et, par un exercice ouvert ou caché du pouvoir, de la manipulation et du chantage, à en faire un sujet docile ». Dans Notre corps de ment jamais, Alice Miller met particulièrement l'accent sur l'influence sociale et potentiellement dramatique du quatrième commandement : « Tu honoreras ton père et ta mère ». Son travail a pendant longtemps suscité de nombreuses réactions de rejet, tellement elle remettait en cause la pensée communément admise ainsi que les constructions propres à chacun. Et pourtant, à bien y regarder, on y voit comme une évidence !

"Parfois les gens ne veulent pas entendre la (et je dirais plutôt leur) vérité,

parce qu'ils ne veulent pas que leurs illusions se détruisent", Friedrich Nietzsche.


D'un point de vue technique et thérapeutique, Alice Miller explique à quel point notre corps porte en mémoire tous les manques affectifs et traumatismes psychiques de notre enfance. Notre corps peut alors être envisagé comme un merveilleux moyen de guérison à partir du moment où nous savons l'écouter, le respecter et en prendre soin. Respecter son corps, c'est être capable de reconnaître ses besoins et de se relier à ses véritables émotions. C'est assumer dans sa plus pure vérité le vécu de son enfance, sans se sentir coupable à chaque fois que nous constatons que nos parents n'ont pas été à la hauteur de ce que nous méritions. Nous devons être autorisé à voir clairement nos figures parentales, dans leurs forces et faiblesses transmises. Et nous avons le droit d'exprimer notre juste souffrance affective. Cela demande parfois un long cheminement intérieur, surtout lorsqu'on nous a autrefois appris à réprimer ce que nous étions et ce que nous ressentions.

Alice Miller met l'accent sur la différence entre reconnaître intellectuellement une chose et l'intégrer émotionnellement. Ce qui touche au traumatisme de notre enfance et s'ancre profondément dans notre corps physique demande un regard libre et lucide sur notre vérité d'enfant, tout autant qu'une approche honnête et intègre de la charge émotionnelle associée. Tant que notre histoire est intellectuellement brimée par une morale bien pensante, nous ne pouvons nous en libérer. Nous nous éloignons de notre vérité et de notre réalité intérieure. Nous sommes alors condamnés à subir notre drame à perpétuité, rejouant notre histoire en changeant parfois le contexte et les personnages. Nous revivons ad vitam aeternam notre souffrance émotionnelle et affective de manière compulsive et répétitive. Une part de nous est enfermée dans ce passé difficile et conditionne malheureusement notre présent.


Alice Miller montre à quel point l'obligation d'honorer son père ou sa mère malgré les mauvais traitements reçus au cours de l'enfance, peut condamner un individu à une souffrance intérieure infinie qu'il reproduira par nécessité viscérale et transmettra inconsciemment à sa progéniture.


Elle explique également les limites du pardon, solution à ce jour apportée par la morale bien pensante pour créer un semblant de mieux-être à la fois individuel et sociétal. Ce pardon imposé par la pression sociale « peut donc se révéler, en l’occurrence, non seulement hypocrite et inutile, mais aussi dangereux en dissimulant la compulsion de répétition ». En effet, le pardon est un acte individuel et personnel qui ne peut être une quête extérieure à soi mais la conclusion naturelle d'un long cheminement intérieur dans la vérité de son cœur. Il ne peut nous être imposé par obligation ou nécessité. C'est un choix libre et conscient qui se présente à nous, au bon moment, telle une évidence. Pour autant, « Il ne s'agit pas de condamner en bloc les parents, mais de se placer du point de vue de l'enfant souffrant ».


« Nous ne parcourons pas le chemin vers l'état adulte en faisant preuve de tolérance envers les cruautés dont nous avons été victimes, mais dans la reconnaissance de notre vérité et dans une empathie grandissante avec l'enfant maltraité », Alice Miller.


Pour conclure, je dirais que nous, parents, avons à voir les choses différemment. Notre enfant ne nous appartient pas sous prétexte que nous l'avons fabriqué et porté dans la matière. Notre enfant est un cadeau du ciel dont nous avons la responsabilité. Graine d'amour inconditionnel, il s'intègre à notre histoire dans l'ouverture la plus totale, imprégnant son tendre cœur de tout notre fardeau affectif. Il met sa vie entre nos mains, son âme à notre portée, et nous fait entièrement confiance. Pour apprendre, il se limitera ainsi (au mieux dans un premier temps) aux conditions de notre expérience. Ça serait plutôt à nous, parents, d'en être reconnaissant et de l'honorer !

« Notre monde pourrait être meilleur si ces enfants pouvaient mettre leur énergie presque illimitée au service d'autres buts plus productifs, que la seule lutte pour exister ». Merci Alice, le ton est donné !

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